Les mouettes du lac Salé
Il y a longtemps de cela, les caravanes de pionniers, formées de chariots couverts tirés par des chevaux, quittaient les côtes de l'Atlantique pour atteindre les grandes plaines d'Amérique du Nord. Après un voyage épuisant, les hommes atteignaient les montagnes Rocheuses. Puis, non sans avoir parcouru encore un long chemin, ils finissaient par arriver dans une grande vallée entourée de hautes montagnes. C'était une plaine de sable blanc, dans un pays où la pluie ne tombait presque jamais. Cependant, les neiges éternelles, sur le sommet des montagnes, alimentaient de nombreux petits ruisseaux qui descendaient le long des pentes et venaient se jeter dans un beau lac bleu, au milieu de la plaine de sable, une petite mer intérieure, salée comme la grande mer.
C'est là que certains pionniers s'arrêtèrent, au lac Salé. Ils bâtirent des cabanes pour passer l'hiver. Ils avaient mis tant de mois pour faire ce terrible voyage que beaucoup d'entre eux étaient morts en cours de route, à cause du froid, de la fatigue, de la maladie et, une fois sur place, beaucoup d'autres moururent encore pendant l'hiver. Les provisions de ceux qui avaient survécu étaient presque épuisées, et leur vie dépendait de la récolte qui allait mûrir. À force de courage et de travail, ils avaient rendu le pays fertile en construisant des canaux pour l'eau des ruisseaux, et ils avaient pu ainsi semer du maïs, du blé et des légumes verts. Ce qui constituait leur subsistance ainsi que celle de leur bétail. À présent, ils attendaient…
Le printemps vint et le blé poussa, le maïs poussa aussi, ainsi que tous les légumes. La terre brune de la plaine était couverte de petites tiges vertes et tendres qui grossissaient à vue d'œil. La joie était dans tous les cœurs ; les pionniers étaient récompensés de tous leurs sacrifices. Une vie nouvelle et prospère s'ouvrait à eux quand, soudain, une chose terrible arriva…
Un matin, les hommes qui veillaient à l'irrigation virent un grand nuage noir passer sur la colline et s'avancer vers la plaine. D'abord, ils eurent peur que la grêle ne détruise leurs récoltes, mais ils entendirent bien vite un bruit dans l'air, comme un roulement, et quand le nuage fut plus près, ils virent qu'il était formé d'un nombre incroyable de sauterelles ! Elles s'abattirent sur les champs, dévorant aussitôt les plantes. Les hommes tentèrent de les tuer, mais plus ils en éliminaient, plus il en venait ! Ils allumèrent des feux, creusèrent des fossés. Rien n'y faisait. De nouveaux bataillons de sauterelles arrivaient pour remplacer celles qui étaient détruites ! Épuisés, malheureux, les gens tombèrent à genoux, qui pleurant et criant, qui priant pour la délivrance.
Tout à coup, dans le lointain, dans le ciel, au-dessus du lac bleu, on entendit un bruissement d'ailes et des petits cris sauvages. Le bruit enfla, et les gens levèrent la tête. S'agissait-il encore de sauterelles ? Non. C'était une horde de mouettes. Rapides, battant l'air de leurs ailes blanches, les mouettes arrivaient par centaines, par milliers. « Des mouettes, des mouettes ! criait-on de tous côtés. Qu'est-ce que cela veut dire ? » Les mouettes planaient au-dessus des têtes, poussant de petits cris aigus, puis, tout à coup, elles plongèrent vers la foule, comme un immense nuage blanc. « Malheur, malheur ! crièrent les pauvres gens. Nous sommes perdus ! Tout ce que les sauterelles ont laissé, les mouettes vont le manger ! » Mais soudain, quelqu'un s'écria : « Regardez ! Les mouettes mangent les sauterelles ! » Et c'était bien vrai. Les mouettes dévoraient les sauterelles par milliers. Elles en avalaient jusqu'à n'en plus pouvoir, puis s'envolaient vers le lac, tandis que d'autres arrivaient avec une nouvelle ardeur. Et quand, à la fin, elles reprirent le chemin de leurs nids, il ne restait plus une sauterelle dans les champs, et le peuple fut sauvé.
Depuis ce jour, dans la colonie du lac Salé, on apprend aux enfants à respecter les mouettes. Et lorsque les écoliers commencent à dessiner et à écrire, bien souvent, leur tout premier dessin est celui d'une mouette.
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